
Comme à mon habitude, je me réveille tôt. Seule la respiration régulière d’Arnaud vient troubler la quiétude de la nuit.
Attendre.
Je n’ai rien d’autre à faire.
Enfin, il finit par ouvrir un œil. Je le laisse émerger et m’enquiers de son état. Aucune évolution réelle. Cela aurait pu empirer, c’est déjà ça. Dans ce genre de situations, l’absence de mauvaises nouvelles est encourageant. Chacun se rassure comme il peut.
Briefing rapide sur la situation afin de déterminer le programme du jour. Ici il n’y a rien. Nous décidons de mettre le cap sur Hopa, station balnéaire de la mer noire. Loin de nous l’idée d’aller nous prélasser sur la plage, mais c’est la plus grande ville des environs et, qui plus est, elle se situe au croisement entre la frontière Géorgienne et la route du retour. Ainsi, théoriquement, nous ne nous fermons aucunes portes même si, tous deux, avons tirés une croix définitive sur une quelconque escapade géorgienne.
Démarche lente, gestes peu assurés, le chargement de sa moto est difficile. Oublié l’entrain motivé par la promesse d’une belle journée à rouler. Les deux cents kilomètres à parcourir aujourd’hui sont dictés par une nécessité : retrouver la civilisation et un système de santé plus efficace.
Malgré l’absence d’un système GPS opérationnel, Arnaud ouvre la route à son rythme. Aujourd’hui la navigation est des plus simple. C’est tout droit plein nord. A quelques rares occasions j’anticipe une bifurcation en l’indiquant avec mes clignotants.
Rapidement il quitte la route et se gare sous un pont. Il est épuisé et veut dormir un peu. L’endroit n’a rien d’enchanteur, mais nous sommes à l’ombre et une rivière s’écoule en contrebas. Cela n’est pas si mal.
Une famille arrive en voiture et s’installe un peu plus loin pour pique-niquer. Je profite de cette distraction et joue les curieux. Barbecue, déjeuner, rires en famille, et les garçons qui finissent par aller jouer dans l’eau alors que les filles rangent les affaires. En somme, rien d’anormal ici. La mère ramasse tous les détritus, les entasse dans une poche plastique qu’elle ferme soigneusement … avant de l’abandonner sur place.
Nous voilà reparti. La route n’est pas dénué d’intérêt, mais aujourd’hui, une seule chose nous importe : arriver.


Nous nous installons au premier hôtel cossu rencontré, le Kosk Otel, sur la rue principale, face à la mer. Au diable l’avarice, la priorité du jour est le confort vu qu’il semble évident que nous y resterons quelques jours.
Arnaud se gave de médicaments et retourne se coucher. Quant à moi, je prends mes cartes et mon téléphone avant de sortir.
La rue principale n’a rien de transcendant.

Tout apparait désert à vrai dire. Nous sommes au cœur de l’été, mais plage et installations touristiques semblent abandonnées. Même la météo est à la grisaille déprimante. Rien de très réjouissant en soi, alors, qu’à l’instant, une ambiance festive m’aurait apporté un peu de baume au cœur.

Je bifurque dans les petites rues adjacentes plus animées.


Et, au miracle, par le plus grand des hasards, je découvre un café avec une enseigne de bière ! Aussitôt vu, aussitôt attablé prêt à déguster. C’est que cela faisait longtemps qu’elle se faisait attendre celle-là.

Une fois la bière savourée, je sors mes cartes mais le cœur n’y est pas. Je me contente de rêvasser, repensant au début de ce voyage très étonnant et me remémorant mes lointains souvenirs du Caucase. Une autre fois certainement.
Au petit matin Arnaud ne va toujours pas mieux, mais décide quand même de manger un peu. C’est au restaurant panoramique de l’hôtel que nous dégusterons notre petit déjeuner.

Ne voyant pas le moindre signe d’amélioration, il décide d’aller à l’hôpital prendre l’avis d’un médecin pour savoir exactement de quoi il en retourne.
Je me renseigne auprès du réceptionniste de l’hôtel, trouve la localisation sur Osmand, et nous voilà parti. C’est à une courte encablure, seulement quelques kilomètres à parcourir.
Arrivés devant le bâtiment, chose étrange, le parking est désert, ce qui, même un dimanche, est surprenant pour un hôpital.
Je rentre dans le bâtiment et, effectivement, nulle âme qui vive. Cela sent le neuf.


J’entends des rires à l’étage. Je monte l’escalier, frappe à une porte et trouve une femme et deux hommes en train de jouer aux dés sur une table. Ils semblent un peu contrariés, à l’instar d’enfants pris la main dans le sac.
Loin de m’en offusquer, je pars à la pêche aux renseignements. Ils ne parlent que turc mais la jeune femme prend son téléphone, appelle un de ses contacts et enclenche le haut-parleur. A l’autre bout du fil, un homme parlant très correctement anglais assure la traduction. Une discussion à trois s’engage. J’apprends que l’hôpital est en cours d’aménagement et que celui encore opérationnel est à l’autre bout de la ville. Je demande à la jeune femme de le positionner sur Osmand. Elle me propose même de m’accompagner, toujours prêts à aider les turcs ! Je la remercie pour sa proposition, mais grâce à la technologie moderne, cela devrait aller. Le GPS rend d’innombrables services mais ce n’est pas la première fois que je constate aussi qu’insidieusement, il nous prive d’enrichissantes relations humaines. En d’autres circonstances, j’aurais certainement accepté son aide. Mais aujourd’hui, la priorité est autre : la santé d’Arnaud.
Je ne veux pas les déranger plus longtemps, les remercie chaleureusement et sors retrouver mon ami. Quelle n’est pas ma surprise de trouver le parking désert ! Je cherche un peu, tourne en rond et fini par lui envoyer un message lorsque je le vois arriver d’un pas tranquille. Ayant trouvé une pharmacie, il a acheté quelques médicaments et préfère rentrer à l’hôtel et voir leur effet avant d’aller voir un médecin.
Soit.
J’occupe le reste de la journée à trier mes photos et à compléter mes notes de voyage.
Les médicaments turcs semblant être efficaces, en fin d’après-midi, Arnaud propose d’aller marcher un peu avant de diner. Ici, pas de plage, juste une immense digue de rochers.

Au menu, boulgour pour lui histoire de ménager sa flore intestinale. Heureusement, je ne suis pas contraint de suivre ce régime !

Une bonne nuit de sommeil et un copieux petit déjeuner plus tard, la santé d’Arnaud semblant s’améliorer, décision est prise d’entamer le retour par les Balkans.
Le chemin du retour, moment toujours difficile à accepter. Mais ainsi va la vie du voyageur.
Je propose alors de prendre l’ancienne route qui mène à Bayburt, la D915, surnommée la route de la mort. Traversant la montagne par une piste étroite longeant le précipice, elle évite ainsi un long et ennuyeux détour par la route principale. Contre toute attente Arnaud est partant, ce qui me ravi. La journée s’annonce sous les meilleurs auspices.
Nous quittons Hopa par l’inintéressante route côtière jusqu’à Of avant de bifurquer plein sud.


Je pensais faire un détour par le très touristique village d’Uzungol dont la petite route semblait prometteuse, mais malheureusement celle-ci est fermée.


L’occasion de remplacer une vis perdue sur la 701.

Nous n’avons pas d’autre choix que de faire demi-tour pour retrouver la D905.

Nous sommes bien sur la bonne route.

Nous traversons les derniers villages avant d’entamer la montée vers le col.

En croisant cette femme, je ne peux m’empêcher de repenser à ce qu’Akan nous racontait il y a quelques jours sur la répartition des tâches entre hommes et femmes, que ces dernière accomplissaient de menus travaux pendant que les hommes s’occupaient des besognes les plus dures.

Le bitume disparait progressivement.


Enfin la montagne s’offre à nous, enfin, avec parcimonie vu la météo.



Plus nous grimpons, plus la visibilité est restreinte et plus la piste se rétrécie. Aucun soucis en moto, mais se croiser ici à deux voitures doit être des plus sportif et dangereux vu l’impressionnant ravin jouxtant la route.
Une fois le col passé dans une purée de pois digne du big smog londonien, la descente se fait sans soucis et, excusez du peu, sous le soleil. La magie de la météo de montagne. Si l’ascension était plutôt stressante, nous nous rattrapons en enroulant virages après virages, profitant de la puissance de nos motos enfin exploitable sur cet asphalte au grip parfait.

Timing parfait, nous arrivons à Baybirt à l’heure du déjeuner. C’est jour de marché et la ville est animée d’un joyeux capharnaüm rendant la circulation difficile, même en moto. Nous nous arrêtons plusieurs fois demander où se restaurer quand nous rencontrons un turc parlant parfaitement français. Il se propose de nous guider. Nous posons les motos et le suivons au dernier étage d’un restaurant avec vu sur la ville. Naturellement nous l’invitons à se joindre à nous. Nous voici tous trois attablés ravis de pouvoir discuter.

Il habite avec toute sa famille en Alsace et est revenu au village pour les vacances. Aujourd’hui sa vie est définitivement en France, mais c’est toujours avec un réel plaisir qu’il revient visiter les siens. Sa retraite approchant, c’est en en France qu’il en profitera auprès de ses enfants. A plusieurs reprises nous rencontrerons des turcs de France qui nous tiendrons le même discours. Une fois habitué au mode de vie occidental, difficile de revenir en arrière.
Les rencontres inopinées sont aussi le sel du voyage. Sans nous en rendre compte, nous nous éternisons, tellement nous avons de choses à partager, puisque, une fois n’est pas coutume, la barrière de la langue n’est plus un obstacle.
Tout à notre discussion, je remarque néanmoins sur la gauche une table avec quatre jeunes femmes voilées, maquillées et vêtues avec goût, jetant régulièrement des regards dans notre direction. La curiosité certainement. Au moment de partir, Arnaud et notre guide d’un instant descendant en premier, je m’attarde le temps de récupérer mes affaires. Au moment de passer devant elles, j’entends un « bonne journée » dans un français exempt du moindre accent.
Je m’arrête et les salue. Nous commençons à discuter et apprends qu’elles habitent en France, ce à quoi je ne peux m’empêcher de répondre : « ah, des françaises. » La réponses ne se fait pas attendre : non, nous sommes turques.
Evidement.
Parfois je ferais mieux de réfléchir avant de parler ! Si d’habitude je suis plutôt bavard, à l’instant, j’ai du mal à en placer une tellement elles me bombardent de questions, dont les principales : qu’est-ce qui me motive à être ici loin de tous les centres touristiques du pays et qu’est-ce que je pense de la Turquie et des turcs.
J’aurais très envie de m’installer à leur table, leur offrir un thé et prendre le temps d’échanger. Moi aussi j’ai dix millions de questions qui me traversent l’esprit, dont la place de la femme dans la société et comment elles vivent leur féminité.
Je reçois un message d’Arnaud me demandant, d’un ton ironique, si je me suis perdu. Je réponds alors brièvement à leur interrogations, leur expliquant que je suis là essentiellement pour découvrir leur pays, ses habitants et leurs coutumes et que j’aime beaucoup la Turquie. Leurs visages s’illuminent.
Malheureusement, je dois y aller. C’est dans ces moments-là que voyager seul prend tout son sens, être libre de prendre du temps quand bon nous semble. Voyager reste pour moi avant tout une aventure humaine. J’aurais bien prolonger cet instant, mais pas aujourd’hui.
Nous reprenons la route sous une météo clémente toujours impressionné par l’immensité de ces paysages.




La journée touche à sa fin et nous discutons pour savoir où dormir ce soir. Contre toute attente, Arnaud propose de bivouaquer. Au fond de moi, je suis ravi de savoir qu’il va beaucoup mieux même si, inévitablement, il lui manque toujours un peu d’énergie.
Nos réserves étant épuisées, nous nous arrêtons à une petite épicerie sur le bord de la route histoire de nous ravitailler. Une autre occasion de rencontrer des turcs de France en vacances qui se proposent naturellement de nous laisser leur numéro de téléphone en cas de besoin. De quoi retrouver foi en l’humanité.
Arnaud étant aux courses, je tue le temps sur le parking lorsque mon attention est attirée par une jeune cow-girl locale juchée sur son âne ramenant le troupeau familial au bercail. Si jeune et pourtant quelle assurance et surtout, quelle responsabilité !

Cela me téléporte de nombreuses années en arrière, alors que je traversais la chaussée immergée de Kayes au Mali. Deux jeunes garçons dirigeaient une charrette tirée par des zébus. C’était en fin de journée, la foule était compacte et bruyante, comme souvent au Sahel. Tout d’un coup, les bêtes ont pris peur et ont commencer à remuer dans les brancards, leurs longues cornes prêtes à embrocher le premier venu. Ce fut la panique, tout le monde criait affolant d’autant plus les pauvres bêtes. Coincé dans la foule sans pouvoir avancer ma moto, j’étais impuissant tout comme les deux jeunes qui n’arrivaient pas à les calmer. Si personne ne fut blessé, l’équipage malheureux a basculé dans le fleuve Sénégal. Aujourd’hui encore, j’ai cette image gravée dans ma mémoire de ces deux gosses horrifiés regardant leurs animaux se noyer, emportés par le courant. Qu’elle fut la réaction de leurs parents devant une telle catastrophe ?
Heureusement cette jeune fille semble maitriser parfaitement la situation, haranguant le troupeau de cris secs et autoritaires. Une future maitresse femme certainement.
Lors de mes différents voyages, j’ai souvent croisé de très jeunes bergers en charge du bétail. Leur reste-t-il suffisamment de temps pour fréquenter l’école ?
Arnaud ayant trouvé son bonheur, nous reprenons la route jusqu’à trouver un coin propice au bivouac. Sol plat mais plutôt caillouteux, nous ferons avec. Plus que nulle part ailleurs, je béni chaque soir le confort de mon matelas moderne. Il est loin le temps où je dormais par terre sur une simple natte. Vive le progrès !

Encore une belle soirée à papoter entre amis de toujours. Si parfois je préfère rouler seul, je dois avouer que ces moments-là, le soir, au bivouac, sont irremplaçables.
Mais la routine du voyage s’impose une fois de plus, nous reprenons la route.

Emaillée de pauses …

L’essentiel du temps nous roulons dans ces paysages toujours aussi envoutants.

Comme bien souvent, je me laisse aller à la rêverie. J’oscille en permanence entre deux états, profiter de l’instant présent à rouler dans ces endroits somme toute superbes, et la frustration de ne pas avoir été plus à l’est. Car oui, c’est le grand Est où je n’ai jamais posé mes roues qui m’attire toujours plus. C’est viscéral. j’évite de penser que nous roulons plein ouest pour ne pas déprimer.
Surtout quand notre société d’hyper consommation se rappelle à moi pour le pire.

J’essaie tant bien que mal de me concentrer sur l’essentiel … rouler.
L’heure du déjeuner approchant, nous nous arrêtons dans un petit restaurant perdu au milieu de nulle part. Quelle ne fut pas notre surprise d’y trouver une carte des plus originale, loin des standards turcs.
Rien d’étonnant à cela. Le jeune homme qui tient l’établissement a travaillé plusieurs années dans des restaurants en Italie et en Suisse. Bien lui en a pris, car pour une fois, au diable les kebabs dignes d’un fast food, nous dégustons, oui, car c’est bien le terme approprié, des ravioles avec une sauce maison. Délicieux. Après ce festin imprévu, nous ne roulerons pas très longtemps. Une vie saine ne peut s’imaginer sans une sieste à l’ombre d’un arbre.

Après un sommeil réparateur, nous reprenons la piste.

Arnaud a maintenant complètement récupéré et s’amuse au guidon de sa 701.

Quant au détour d’une piste, nous croisons un couple de berger accompagnant leur troupeau de vaches.

Pour la première de ma vie je rencontre un Kangal calme et à l’air plutôt sympathique. Mais n’exagérons rien, loin de moi l’idée de vouloir aller le caresser !
Le plus jeune des deux vient spontanément nous parler.

Une fois encore, le traducteur des téléphones fait des merveilles.

Et comme toujours, il insiste pour nous montrer la route sur le GPS. Ce n’est pas la première fois que nous sommes confrontés à ce genre de situations, mais, au fil du temps, je trouve ce GPS de plus en plus intrusif. Pourtant, je n’imagine pas une seconde m’en passer tellement il rend d’innombrables services et simplifie réellement la vie du voyageur que je suis. Autant il est très sécurisant, autant, parfois, je regrette l’incertitude de la carte papier et l’aventure qu’elle générait. Une réflexion à poursuivre pour mes prochains voyages.

La discussion va bon train mais la route nous attend.


Le barrage d’Almus et son immense lac artificiel partiellement asséché aujourd’hui, ouvrant de nouvelles terres aux cultures.



Nous continuons notre périple jusqu’à la ville de Tokat où nous nous arrêtons au premier hôtel repéré sur Osmand.

Le réceptionniste, étrangement réservé, tergiverse, tourne autour du pot pour finalement nous annoncer que son établissement est complet. Le tableau rempli de clés, trônant tel un trophée sur le mur derrière lui, semble le contredire, mais, peu importe. Nous n’insistons pas. Nous ne sommes pas dupe, notre look de cosmonautes poussiéreux ne correspond certainement pas au standing de l’hôtel. Très professionnellement, il nous renvoi chez un confrère non loin de là où nous devrions trouver notre bonheur. Effectivement, nous y serons accueilli avec le sourire.
Chambre tout confort, avec, luxe suprême, un balcon pour entreposer les bottes, vestes et pantalons de moto à l’odeur douteuse.

Ce soir, ce sera en tenue civilisée que nous irons arpenter le centre-ville à la recherche d’un restaurant.
Si les aventures de deux célèbres gaulois finissent invariablement par un banquet, nos journées, elles, débutent généralement sous le signe d’un copieux petit déjeuner

Avec, excusez du peu, aujourd’hui, du miel à l’état brut, tout juste sorti de la ruche.

Nous repartons toujours vers l’ouest avec des paysages de plus en plus européens.


Ponctués des traditionnels arrêts aux fontaines histoire de se rafraichir et de se reposer un peu.

Ici, scooters et motos sont particulièrement prisés.


Et la route …

Toujours et encore …

Et les villages …

Toujours et encore …

Et la piste …

Toujours et encore …

La routine du voyageur en quelque sorte.
Nous entrons dans une petite ville. Je roule tranquillement lorsque je réalise soudainement qu’une voiture me fonce dessus. Je plante tout et essaye de l’éviter. J’y arrive in extrémis, mais ce qui devait arriver arriva : je me retrouve étalé sur l’asphalte, gisant à côté de ma moto.
Immédiatement un groupe de personne accours. Une femme voilée à l’anglais irréprochable s’enquiert de mon état et m’aide à me relever. Je suis abasourdi mais indemne. Arnaud arrive et nous redressons la moto. Elle n’a rien, heureusement, excepté quelques cicatrices supplémentaires. Dure vie que celle d’une travel bike.
Je suis hébété, absent, mes enfants diraient à l’ouest si bien que ma sauveuse du jour insiste pour appeler une ambulance et la police. Je la rassure, je vais bien même si je n’ai toujours pas compris ce qui s’était passé.
Arnaud m’explique qu’arrivant sur un grand boulevard, nous avions un stop que je n’ai visiblement pas vu puisque j’ai continué comme si de rien n’était. Je ne me souviens de rien sauf d’avoir pilé avant de chuter. J’ai dû bloquer ma roue avant, mon ABS étant déconnecté puisque nous roulons souvent hors bitume.
Après avoir remercié tout le monde pour leur prévenance, nous nous éloignons du carrefour. Arnaud se charge de remettre mon guidon dans l’axe de la roue pendant que je m’éloigne. C’est mon premier accident de moto. Je sais, il fallait bien que cela arrive un jour ou l’autre, ici ou là. Je réalise alors que j’aurais pu mourir et … je vomis. Je pense alors à mes enfants restés en France.
Nous reprenons la route mais je n’y suis pas, je ne retrouve plus le rythme. Je suis constamment sur la réserve, impossible de prendre de l’angle ou quoi que ce soit. J’essaie de comprendre. La moto reste un moyen de déplacement fabuleux, mais très dangereux. La confiance acquise après des centaines de milliers de kilomètres s’est instantanément évanouie. Rapidement, la tension diminuant, je sens une vive douleur à mon poignet. Je n’arrive plus à débrayer, mais peu importe, sur la GS, les vitesses passent très bien sans assistance et sans schifter. Néanmoins, nous décidons d’écourter notre journée et de nous arrêter à la prochaine ville où nous dégotons rapidement un hôtel.
Au petit matin mon poignet va déjà beaucoup mieux même s’il n’a pas récupéré l’intégralité de sa mobilité.
Nous reprenons la route. Ce soir sera notre dernière nuit en Turquie et cela affecte grandement mon moral. Je devrais être heureux de rouler ici en toute liberté, mais non, je n’y arrive pas.


Nous traversons les derniers villages …

Avec ces habitations ottomanes traditionnelles …

Telles que l’on peut les admirer à Safranbolu.

Mais rien à faire, le cœur n’y ait pas. Arnaud non plus n’y arrive pas. Nous nous trainons dans des chemins sans intérêt entre les champs. Nous décidons alors de récupérer la route principale, la quatre voies. Le désespoir n’est pas loin.
Et pourtant …
Une fois sur l’asphalte parfaitement lisse, la route change de physionomie et devient rapidement une succession ininterrompue de larges courbes. Nous libérons alors la cavalerie de nos montures, faisant fi de toute règlementation, nous remontons les files de voitures à vitesse plus que soutenue. Plus rien ne compte, seul le pilotage des motos importe, la recherche de la bonne trajectoire et les sensations. Roulant comme à l’accoutumée visière ouverte, l’air marin vient me fouetter le visage.
L’extase.
Seul le plaisir de rouler compte alors. Cet état de béatitude est brutalement anéanti par une barrière de péage qui refuse définitivement de s’ouvrir à notre arrivée. La cause, nos plaques minéralogiques maculées de poussière sont illisibles par la caméra. Qu’à cela ne tienne, un coup de gant règlera le problème.
Nous nous rapprochons d’Istanbul mais nous nous arrêterons avant, à Sile, avec pour objectif : bivouaquer sur la plage.

Une fois encore, en plein mois d’août, tout semble désert. Si d’habitude j’ai tendance à fuir la foule, parfois, comme ici, une ambiance festive aurait été la bienvenue.

Qu’à cela ne tienne, une bière fraiche et du réseau pour prendre des nouvelles de nos proches. Une belle fin de journée quoi qu’il en soit. Un incontournable de la vie de voyageur, ne jamais savoir exactement de quoi sera fait la journée avec son lot de bonnes et mauvaises surprises. C’est le sel de la vie.

Peu importe le lieu, un coucher de soleil sur la plage est toujours magique. J’ai souvent dormi au bord de la mer, mais mes meilleurs souvenirs viennent de l’époque où j’étais étudiant. Je quittais Toulouse avec les copains pour aller à Narbonne. Nous prenions de quoi pique-niquer, nous nous installions sur le sable, allumions un feu de camp et passions la nuit au son des guitares à refaire le monde. Le lendemain matin, à 8H sonnante, nous étions sur les bancs de l’amphithéâtre. Une autre époque …

Mais ce matin, ce sont les engins mécaniques préparant la plage qui me réveillent.

Nous repartons. Dernière ville avant la frontière.

Mais si, le ramassage des ordures existe, certainement très insuffisant vu la prolifération des décharges sauvages.

Nous nous rapprochons de la frontière et traversons une forêt. Nous sommes arrêtés par des bucherons. La discussion est laborieuse mais nous comprenons qu’ils sont angoissés par les nombreux incendies qui ravagent le pays ainsi que les Balkans. Ils nous demandent de n’allumer ni feux ni même de réchauds. Nous acquiesçons. De toute façon, ce soir nous ne serons plus en Turquie.

Peu de temps après arrive la frontière Bulgare. Nous avons bien retenus la leçon. En Turquie, ne pas remonter les files de voiture, mais une fois dans le no mans land, tout le monde nous fait signe d’avancer, douaniers compris. Nous nous exécutons de bonne grâce même si nous n’évitons pas le portique désinfectant.

Une fois la douane passée, arrive le temps de se restaurer. Et là, allez savoir pourquoi, nous nous régalons d’une côte de porc grillée agrémentée de frites et d’une bière fraiche ! Rien d’extraordinaire en soit, mais à ce moment-là, le bonheur gustatif est total.

La Bulgarie n’est qu’une étape transitoire sur notre route, mais le destin, une fois de plus, en décidera autrement. Alors que nous menions bon train, d’un coup d’un seul je sens l’arrière de ma moto louvoyer. Verdict imparable : crevaison.
Je m’arrête.
Je ne peux que constater mon pneu à plat. J’ai bien de quoi réparer mais il se fait tard et je suis d’un naturel faignant. Changer de chambre à air au démonte pneus est faisable, mais cela reste une épreuve harassante. Je regarde sur Osmand et vois que la prochaine ville, Plovdiv, est à moins de dix kilomètres. Je décide alors de repartir et de rouler à plat. Merci les Mitas Dakar hyper rigides qui se décollent sans déjanter. Je roule warnings allumés à 50 km/h jusqu’à trouver un garage. Sur le point de fermer, ils acceptent néanmoins bien volontiers de m’aider. C’est tout de suite plus facile lorsqu’un professionnel se charge du travail.

La chambre à air est déchiquetée, mais peu importe, j’en ai une de secours.

Le trou est loin d’être anecdotique. Il collera une rustine à l’intérieur du pneu pour protéger la chambre à air.

Me voilà prêt à repartir. Je m’enquiers du règlement.
Il refuse.
J’insiste.
Il persiste.
A ce moment-là, je sens que continuer le vexerait. Il m’explique qu’aider un voyageur en difficulté est normal, cela ne peut se résumer à une simple question d’argent. Je ne peux m’empêcher de repenser à mon retour d’Islande, où ayant crevé en France, j’ai eu toute les peines du monde à trouver un garage prêt à m’aider. Différence de mentalité sans appel. Le développement économique n’a pas que du bon.
Je ne connais pas son nom, mais il est à l’image de ce peuple, accueillant et charmant.
Nous avançons jusqu’à trouver un hôtel. Douchés et presque présentables, nous partons diner en ville. Renseignements pris, nous trouvons les rues animées du centre. Enfin installés à une table, quel bonheur de retrouver une ambiance joyeuse où femmes et hommes se mélangent naturellement.

Je réalise alors que cette ségrégation entre femmes et hommes m’était devenue réellement pesante. Si j’y suis malheureusement habitué, je ne la cautionne pas pour autant. Je l’ai vécu de plein fouet en Syrie, il y a quelques années de cela. Une histoire bouleversante, certainement un des moments les plus forts de mes voyages. Mais aujourd’hui, l’âge peut-être, je suis heureux de retrouver cette mixité et cette ambiance joyeuse, où hommes et femmes partagent ensembles ces moments de convivialité.
Arnaud est dans le même état d’esprit que moi. Nous n’arrivons pas à nous soustraire à cette atmosphère et nous commandons bière sur bière juste histoire de prolonger cet état jubilatoire.
Mais toute chose à une fin, et il nous faut bien nous résoudre à rentrer nous reposer.
Le lendemain matin nous reprenons les motos avec pour objectif, l’Albanie. Arnaud veut tracer et nous traversons la Macédoine par les grosses routes en perpétuels travaux. Journée sans intérêt et pourtant, connaissant ce pays, je sais qu’il est particulièrement chaleureux et intéressant. Mais pas aujourd’hui. Nous nous contenterons de rouler, avec, pour seule distraction funeste, les colonnes de fumée des feux de forêt ravageant les Balkans.
Frontière albanaise passée sans encombre. Immédiatement je retrouve cette ambiance si particulière où se mélange différentes religions, où églises et mosquées fraichement bâties se côtoient.

Mais notre premier objectif est, comme toujours, de trouver une carte SIM locale. Nous nous arrêtons à la boutique Vodafone de la première ville traversée. Je m’y colle pendant qu’Arnaud garde les motos. Une charmante jeune femme blonde ne parlant pas un traitre mot d’anglais m’accueille tout sourire.
Incompréhension et frustration totale.
J’allais dégainer mon smartphone lorsqu’un adolescent débarque et se propose de jouer les interprètes.
S’en suit un grand moment de partage comme seuls les voyages en ont le secret. La discussion part tout azimut, pour, au final, me proposer une carte SIM, non pas uniquement pour l’Albanie, mais avec du roaming pour tous les Balkans. Elle se charge de configurer mon téléphone mais ne s’arrête pas là, la conversation repartant rapidement sur des sujets bien plus personnels. L’ambiance est surréaliste. Je perçois chez elle une curiosité insatiable. Je pense que si je lui proposais de nous accompagner, elle sauterait derechef sur la moto. Je l’avoue, je suis sous le charme de l’instant. Nous discutons encore un long moment avant que je ne me fasse violence pour reprendre la route.
Ainsi sont fait les voyages, émaillés de multiples rencontres des plus enrichissantes mais toutes éphémères. Voyager, ce n’est pas uniquement parcourir des paysages inconnus, mais, aussi, traverser des instants de vie.
De tous les Balkans, l’Albanie est un de mes pays préférés, mais sa re découverte sera pour demain. Aujourd’hui nous trouverons un hôtel peu de temps après avoir passé la frontière.

Etrange établissement que celui-ci, une sorte de palace défraichi au milieu de nulle part. Cela faisait bien longtemps qu’un employé n’était pas venu porter mes bagages pour les monter dans ma chambre ! J’ai un peu honte vu leur état, mais il insiste. Alors soit, je le laisse faire.
Grande chambre luxueuse mais un peu vieillotte. Nous nous installons, une bonne douche, un peu de lessive et nous voilà accoudé au comptoir … désert. Un jeune homme viendra pour nous installer à une table. L’atmosphère est très étrange. Cela me replonge dans certains luxueux établissements de l’ancienne URSS tombés en désuétude et cherchant un nouveau souffle, l’absence de touriste accentuant cette ambiance passablement hitchcockienne.
Arrive le repas. Nous commandons, comme souvent, sans trop savoir ce que nous aurons dans nos assiettes. La seule chose que nous avons compris, est : viande grillée. Le tout accompagné d’une bonne bière fraiche. Que demander de plus !
Effectivement, le jeune homme nous apporte un plat de grillades assez copieux pour nourrir un régiment. Rien qu’à l’odeur, j’en ai déjà l’eau à la bouche. Bon appétit.
A peine avons-nous débuté la dégustation qu’avec Arnaud nous nous regardons. Que sommes nous en train d’avaler ? C’est plutôt gras, un goût assez fort que je connais pas, avec de petits os.

Les spéculations vont bon train et nous émettons nombres d’hypothèses plus farfelues les unes que les autres. Pourtant dans le passé, sous le vocable « viande de brousse » j’ai dû manger à peu près tout ce qui était comestible, mais, la viande, tellement cuite et recuite, n’avait plus aucun goût. Ici c’est très différent.
Renseignement pris, c’est du chevreau. Cela ne restera pas une expérience gustative mémorable, peut être par manque d’habitude.
Mais peu importe, le menu de demain est bien plus appétissant : une orgie de virages servie sur sa petite route de montagne.

Question virages, nous avons été servi et, qui plus est, avec un goudron au grip impeccable. Il n’y a pas à hésiter et nous nous laissons aller à rouler à un rythme plus que soutenu et excessivement jouissif. Le décor étant à l’avenant, tous les ingrédients sont réunis pour une matinée de moto d’anthologie.

La pause déjeuner passée, nous quittons le bitume pour attaquer la piste.


Je suis en terrain connu. Nous étions passé ici il y a quelques années avec les enfants en voiture, un break C5. Autrement dit, une piste facile sans soucis.

Plus j’avance et moins je reconnais les lieux. La piste commence à devenir particulièrement défoncée, ornières et pierriers s’enchainent sans discontinuité. Aucun moment de répit. La GS étant rapidement fatigante dans ces portions techniques, je commence à grandement transpirer sous mon casque. Je suis décontenancé. Comment ai-je pu passer ici avec un simple véhicule de tourisme ? Aujourd’hui, un 4×4 surélevé est nécessaire.
Enfin, nous arrivons au village de Thet, lieu très touristique et départ de nombreuses randonnées et treks. Après une telle dépense d’énergie, un peu de réconfort est le bienvenu.

L’endroit étant majestueux, nous y bivouaquerons.

Une journée de moto mémorable, un paysage enchanteur, la soirée est des plus prometteuses. Enfin, c’est sans compter sur le repas, sorte de tambouille sans goût arrangée avec les pâtes et la sauce tomate achetés à Pévari en Turquie.

Autant dire que le diner ne s’éternise pas. Une fois confortablement installés sous la voute céleste, nous faisons le point. Je flânerais bien encore un peu en Albanie avant de remonter par la Bosnie, mais les jours défilent et Arnaud veut rentrer au plus cours. Ce sera donc traversée du Monténégro, de la Croatie, Slovénie Italie et le retour définitif en France.
Nous entamons la dernière partie de notre voyage. Peu de chance qu’elle devienne la plus excitante, loin s’en faut. Les voyages sont ainsi fait, subtil mélange de moments extraordinaires et d’autres, à la saveur bien plus fade. Le Monténégro, j’aime beaucoup, mais loin des grands axes que nous allons prendre. La Croatie ? Je n’ai jamais accroché avec ce pays. Une fois arrivé, une seule idée me taraude, en sortir au plus vite d’autant plus, qu’a seulement quelques encablures, s’offre à nous ce joyau qu’est la Bosnie. Malgré tout, mon éternel optimisme m’incite à rester positif. L’avenir n’est jamais écrit et, à n’en pas douter, il nous réservera encore quelques belles surprises.
Le soleil venant de passer l’horizon, il est temps de lever le camp pour retourner vers le lac Shkodër. Et là, qu’elle ne fut pas ma surprise, la petite piste que j’avais autrefois connu s’est muée en superbe gravel road dont la majeure partie est aujourd’hui bitumée. Le mystère s’éclairci enfin. L’accès au très touristique village de Thet a été complètement réaménagé du côté nord afin de faciliter le flot de touristes et des camping-car. Conséquence néfaste, la piste sud, empruntée uniquement par les locaux, a été complètement laissée à l’abandon et c’est grandement détériorée au fil du temps. Triste réalité du développement.

Mais notre préoccupation du moment est toute autre, quitter l’Albanie au plus vite pour arriver au Monténégro et en Croatie. Sur Osmand, une petite route blanche coupant directement vers la frontière me fait de l’œil. Un raccourci qui joindrait l’utile à l’agréable ?
Arnaud valide.
Nous nous mettons en route sans plus attendre.
La route est belle, une succession de courbes et de virages, source de plaisir infini pour les motards que nous sommes. Mais voilà, comme souvent en Albanie, l’asphalte laisse place à une gravel road qui, bientôt, se transforme en piste qui, elle aussi, progressivement se mue en chemin.

Une rapide inspection confirme que cet itinéraire n’est plus emprunté depuis belle lurette. Difficile d’estimer s’il sera longtemps praticable. Explorer l’endroit aurait certainement son charme, mais, à l’instant, notre objectif est plus terre à terre : rejoindre sans tarder le Monténégro. Si l’on considère que, pour le moment, notre moyenne horaire est loin d’être fantastique et que nous n’avons plus d’eau, une seule décision s’impose : demi-tour.
Nous recroisons quelques bâtiments isolés.

Une ferme est habitée. Nous nous arrêtons et sommes immédiatement invités à prendre place. Sans plus attendre, la maitresse des lieux nous offre de l’eau qu’elle rafraichira en y déposant des morceaux de glace extraits d’un bloc de neige durcie.

Une fois de plus, la gentillesse des gens les plus démunis est sans limite. Malgré un dénuement criant, ils sont toujours prêt à offrir de bon coeur le peu qu’ils ont.
Sans réseau et n’ayant pas téléchargé l’albanais, la barrière de la langue est pesante. Nous arrivons néanmoins à communiquer à minima. Ils nous proposent du lait. Je décline l’offre mais Arnaud accepte. Un des hommes se lève, s’éloigne et revient un moment plus tard, une carafe de lait à la main. Il est encore tout chaud, probablement trait il y peu de temps.
Ils nous invitent à déjeuner, mais l’heure tourne. Nous devrions déjà être au Monténégro. Je me sens coupable d’avoir pris ce raccourci, qui, in fine, nous aura fait perdre beaucoup de temps alors même qu’Arnaud est pressé. J’aurais volontiers accepté, mais c’est la mort dans l’âme que je leur explique que la route est encore longue et que nous devons partir. Nous n’oublions pas de leur demander de l’eau et c’est avec un grand sourire que notre hôtesse remplit nos bouteilles. Nous reprenons la route, non sans les avoir remercier chaleureusement.
La vue de leur terrasse.

Plus tard, Arnaud m’avouera qu’il serait bien resté déjeuner avec eux. Les affres des vieux couples : la communication.
Le reste de la journée est sans intérêt, de la nationale, des bouchons, de la poussière et toujours, au loin, plusieurs colonnes de fumée nous rappelant que la région est actuellement en proie aux flammes des feux de forêts.
Le soir arrivé, ce sera un camping à la frontière Croate.
Après un copieux petit déjeuner, nous reprenons la route. Je m’arrête à une station pour faire le plein. Arnaud n’est pas là. Je regarde dans mon rétroviseur et je le vois, au carrefour, gisant par terre avec sa moto …


Seul sur la route
Ni une ni deux, je fais demi-tour. Je béquille ma moto et me précipite vers Arnaud.