Comment franchir un gué?

Lors d’un road trip, quand le goudron cède la place à la piste, il faudra à un moment ou à un autre traverser une rivière, non pas sur un pont mais par un gué.

C’est quoi un gué?

En théorie, c’est la traversée d’un cours d’eau. Néanmoins, dans nos contrées les rivières se traversent sur des ponts et les quelques gués restant s’apparentent bien souvent à de grosses flaques.

Si bien qu’à un moment on n’y fait plus vraiment attention et on se prendrait même au jeu.

Mais traverser une rivière peut prendre des formes très variées comme ici en quittant Djenné.

Ou ici où ce n’est pas un gué à proprement parler, mais la piste qui est inondée, ce qui techniquement revient au même.

Dans l’exemple ci-dessous la piste joue au chat et à la souris avec la rivière que l’on longe, traverse et retraverse sans cesses sur plus d’une dizaine de kilomètres. Le sol est sablonneux et il difficile d’en estimer la portance.

Parfois la piste et la rivière se confondent. Rien d’exceptionnellement compliqué en soi, rien de visuellement extraordinaire non plus, pas d’effet waouh en traversant à fond dans de grandes gerbes d’eau.

En road trip, avec des motos chargées de plus de 200 kg, il faut garder le tête froide, rouler avec prudence et ne jamais oublier qu’une chute dans l’eau peut être lourde de conséquence. Stéphane Peterhansel a eu une phrase célèbre : « ce n’est pas en traversant un gué que l’on gagne une course, mais c’est là qu’on peut la perdre ». Dans un voyage, c’est un peu la même chose, on a tout à perdre et rien à gagner.

Voyager c’est avant tout arriver à bon port en toute sécurité et non rechercher la performance ou le côté spectaculaire

Les gués font partie des obstacles toujours délicats à franchir car une chute dans l’eau peut être dangereuse pour le pilote (s’il reste coincé sous sa machine) et pour la moto.
Une moto noyée, et c’est une grosse séance de mécanique qui vous attend! (voir l’article comment sauver sa moto de la noyade)

Dans certains cas, traverser peut devenir un véritable chalenge. Les plus impressionnants que j’ai rencontré étaient en Islande et en Russie.

C’est toujours un exercice périlleux où l’on a plus à perdre qu’à gagner

Vu de l’intérieur comme si vous y étiez … ce n’est pas si impressionnant que cela … et pourtant cela reste toujours un exercice dangereux. Il faut toujours rester concentré, même à la fin de la journée quand la fatigue se fait sentir. C’est là que le risque est maximal.

Mais parfois, en fonction de la profondeur, de la force du courant et de la nature du sol, cela peut être très dangereux. Aussi être deux est une vrai sécurité. Seuls, j’aurais abdiqué à traverser certains gués car trop risqué.


De plus, le type de moto et de pneus entre pour beaucoup dans l’équation. Plus la moto est lourde et chargée et plus c’est délicat.
Par conséquent, moins on maitrise la conduite off road et plus il est recommandé de partir avec une moto légère, avec un chargement bien équilibré et chaussée de bons pneus à crampons à la bonne pression (voir l’article Quelle pression des pneus en off road?)

Comment traverser un gué?

Tout d’abord, quand je sais que je vais traverser un gué, je m’assure que je n’ai aucun appareil en charge (téléphone et powerbank). Je vérifie aussi que les prises USB et mes bagages sont tous bien fermées.
Excès de précautions ne nuit jamais.

Bien souvent, ce qui inquiète les motards, c’est la profondeur de l’eau. Ok, c’est important, mais c’est loin d’être le seul facteur de risque, et en tout cas, de mon avis, ce n’est pas le plus important.

La difficulté d’un gué dépend de :
• La profondeur. Attention, elle n’est pas forcément constante
• Le courant. Lui c’est un vicieux
• La nature du sol, grosse pierre, sable, galets. les grosses pierres peuvent faire chuter, le sable et les gravillons peuvent être spongieux et rendre difficile la traction. Il y a risque d’enlisement et il faudra garder un peu de gaz.
Si c’est un gué très fréquenté il peut y avoir des ornières laissées par les 4×4 et les camions.
• Les troncs d’arbres charriés par les flots éventuellement. Là, c’était en Russie.

Chacun de ses éléments est un facteur de difficulté. Vous comprendrez aisément que lorsqu’il faut en gérer plusieurs à la fois, cela peut devenir vite problématique.

Première étape, la reconnaissance à pied.

Je connais bien ma moto, je sais que pour que l’eau ne rentre pas dans le filtre à air et dans le pot d’échappement, en théorie il ne faut pas que l’eau m’arrive à l’entrejambe. Dans la pratique, quand la roue avant disparait sous les flots c’est déjà énorme!

Le but de la reconnaissance est de :
• Evaluer les facteurs de difficulté précités
• Déterminer la trajectoire idéale qui n’est pas forcément la ligne droite. Bien prendre en compte la sortie du gué que l’on néglige parfois et qui peut être source de problème s’il y a une marche.
• Identifier les zones qui seront les plus difficiles

Petite remarque.
Traverser la rivière à pied, cela signifie avoir les orteils mouillés, même avec des bottes étanches. Quand il est indispensable de tester un gué au préalable, c’est que le niveau d’eau est supérieur à la hauteur des bottes. L’eau passera par-dessus et de toute façon, les inserts étanches ne montent pas jusqu’en haut.

Avec le temps, j’ai testé différentes solutions pour l’éviter, guêtres, chaussettes étanches de canyoning, bref, rien n’y fait. J’ai toujours eu les pieds mouillés. Au début je pensais que j’allais avoir froid voire même attraper mal.

Mais non. En fait je pense que la quantité d’eau dans les botte est tellement faible que la chaleur corporelle la réchauffe très vite.
Finalement je m’y suis fait et cela ne me dérange pas plus que cela.

Mais revenons à la reconnaissance.
La profondeur et la nature du sol sont facile à apprécier, le plus difficile à évaluer est l’effet que le courant aura sur la moto.
En effet, comparez la surface offerte à la poussée du courant entre une personne et une moto chargée.

Vous aurez remarqué que lorsque l’on traverse une rivière, la force du courant agit latéralement sur la moto, qui avec les bagages offre une énorme surface de contact. Les premières fois c’est très déroutant. La traversée à pied se passe plutôt bien, il y a du courant mais sans plus, et quand la moto rentre dans l’eau on est surpris tellement on se fait pousser et dévier de la trajectoire que l’on avait imaginé.

Après avoir reconnu, la question fatidique est : est-ce que je me sens de passer?

Une fois encore, il n’y a pas de honte à faire demi-tour. Cela m’est déjà arrivé plusieurs fois.
Mais il peut y avoir une autre alternative. Passer sans les bagages. Pour le coup c’est plus facile car non seulement la moto est plus légère mais le pilote est aussi plus mobile et donc a un meilleur contrôle de sa trajectoire.

Cela prend juste un peu plus de temps, mais si c’est pour s’éviter une grosse galère après, je n’hésite pas une seconde!
Et arrive enfin le moment fatidique où il faut se lancer.
C’est parti, même si ce n’est pas évident d’expliquer comment je m’y prends avec seulement un clavier. L’objectif est avant tout de donner les grandes lignes, mais comme toujours en moto, rien ne vaut la pratique.

Première méthode, la méthode reine, mais celle qui demande le plus de technique : debout sur les repose-pieds, genoux collés au réservoir, regarder loin sur la trajectoire où l’on veut passer et non sa roue avant. Ne pas oublier que le meilleur amis du motard est l’effet gyroscopique, il faut donc garder un peu de gaz. Cela permet aussi de garder suffisamment de traction si le sol est meuble.
Le risque principal, le rocher que l’on ne voit pas sous l’eau et sur lequel on vient buter et qui peut nous déstabiliser.

Vous aurez remarqué comment le chargement de la moto peut limiter la mobilité, d’où l’importance de bien charger sa moto.

Deuxième méthode : comme pour la première sauf que l’on reste assis. Il faut alors pousser très forts sur les repose-pieds, comme si on voulait se lever et faire attention de ne pas se crisper sur le guidon. C’est toujours le risque lorsque l’on roule assis. Il faut laisser un peu « de mou » à la roue avant pour qu’elle trouve sa voie.
On perd un peu en contrôle de la moto, mais en cas de déséquilibre il est plus facile de récupérer la moto en posant un pied que lorsque l’on est debout.

Troisième méthode : avancer assis en se servant des pieds pour se stabiliser. C’est la méthode la plus sécurisante à priori, mais celle où l’effet gyroscopique est le moins présent. La moto est donc plus sensible au courant. Sans vitesse, moins de traction et plus de risque de s’enliser au milieu du gué.

Et si l’on est plusieurs?

Dans ce cas là c’est beaucoup plus sécurisant.
Il faut juste garder à l’esprit que courir dans l’eau, c’est comme courir dans la poudreuse. Difficile d’avancer.
Il est donc impossible de courir à côté d’une moto.
Alors, comment faire?

Pour les méthodes 1 et 2, la personne à pied doit se positionner à l’endroit le plus dangereux pour être prête à intervenir comme dans la vidéo ci-dessous.
Lorsque l’on est au contact il ne faut pas attraper la moto ou son pilote, cela le destabilise. Il faut être là juste par sécurité pour le rattraper si nécessaire.

Dans le cas de la méthode 3, c’est plus facile. La moto avançant tout doucement, il est possible de l’accompagner pour le coup.

Quelques remarques complémentaires

En théorie, il faudrait reconnaitre tous les gués. Dans certains endroits, comme en Islande ou certaines régions russes, les gués s’enchainement les uns après les autres, et en pratique on ne reconnait que les plus dangereux.
Pour les autres, ceux que l’on se contente de traverser sans s’arrêter, si on roule à plusieurs il ne faut surtout pas les prendre en même temps. Quand le premier s’engage, le second est à l’arrêt près à béquiller pour aller donner un coup de main si nécessaire.

Dans les régions où les rivières sont alimentés par des glaciers, la fonte est plus importante en fin de journée. Parfois bivouaquer près du gué permet de le passer au petit matin dans de meilleures conditions.

Parfois, s’il y a un 4×4 ou un camion devant, la tentation est grande de prendre la même trajectoire que lui. Il faut faire très attention. Avec leur garde au sol plus importante, surtout les camions, ils ont tendance à couper tout droit sans se préoccuper de la nature du sol. Ils font aussi de grosses ornières qu’il vaut mieux parfois éviter.

Certains gué sont bétonnés comme ceux du pays Dogon, il est alors tentant de passer sans se poser de questions. Là aussi attention, sur le béton se développe parfois des algues très glissantes et il est alors très facile de se faire surprendre.

Lorsque l’on traverse un gué, le risque principal auquel on pense est la chute et la noyade de la moto qui peut s’en suivre.
On oublie souvent le risque d’enlisement quand le sol est trop meuble. Dans ce cas la méthode classique vue ici ne peut plus être appliquer puisque cela reviendrait à coucher la moto dans l’eau.
Je ne connais pas d’autre méthode à part se faire pousser ou tracter, d’où l’intérêt d’avoir une corde ou une sangle de tractage.

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